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HTML5 est enfin officialisé, l’avenir du web ouvert n’est pas assuré pour autant

Saviez-vous que le web avait fêté ses 25 ans en août dernier ? C’est en effet le 19 août 1989 que Tim Berners-Lee a publié le code source du World Wide Web (cf. Web @ 25). Durant cette période le web a connu de nombreuses évolutions, notamment au niveau des technologies utilisées pour afficher des contenus et services (20 ans d’évolution des IHM web), la dernière en date étant la publication des recommandations officielles de la dernière version du langage HTML : Open Web Platform Milestone Achieved with HTML5 Recommendation.

Concrètement, cela veut dire que l’organisme de standardisation du web recommande aux éditeurs de navigateurs, de contenus et services en ligne, et plus généralement aux développeurs du monde entier d’utiliser les spécifications de HTML5. Ça peut vous sembler insignifiant, mais cette certification est la résultante d’un accouchement douloureux (HTML5: Don’t Believe the Hype Cycle) et d’une lutte épique entre les grands acteurs du web (W3C and WHATWG finalize split on HTML5 spec). L’enjeu de cette lutte est de s’assurer que le web repose sur des standards ouverts et que des éditeurs privés n’imposent pas de technologies propriétaires. Vous souvenez-vous des icônes « Site optimisé pour Internet Explorer 6 » ? C’est pour éviter que cette situation se reproduise que les grands acteurs du web s’affrontent, notamment autour des smartphones et terminaux mobiles.

Non-standardisation de l’internet mobile : Apple est à la fois le problème et la solution

Autant le dire tout de suite : la situation est critique, car la majeure partie de nos usages mobiles se font à travers des applications mobiles reposant sur des technologies propriétaires. La faute à Apple qui au lancement de son iPhone avait diabolisé Flash, mais ne s’est pas gêné pour imposer ses technologies propriétaires afin de verrouiller ses revenus. Tout ceci partait d’une bonne intention (uniformiser l’expérience utilisateur et s’assurer que tout le monde touche ce qu’il est censé toucher), sauf que le « modèle iPhone » a été mal interprété et que nous nous retrouvons dans une situation insensée où les éditeurs utilisent des technologies propriétaires pour afficher du contenu web sur un smarpthone.

L’objectif de HTML5 était de faire évoluer les spécifications des langages HTML, CSS et javascript pour mieux correspondre aux contraintes des éditeurs de contenus et services (structure plus rigoureuse des pages, adaptabilité aux terminaux mobiles…). Il en résulte, entre autres, un certain nombre de nouvelles balises sémantiques (HEADER, NAV, ARTICLE, SECTION, ASIDE, FOOTER) et des balises permettant de mieux intégrer des éléments multimédias (VIDEO, AUDIO, CANVAS…). Pour mieux comprendre ces évolutions, je vous recommande les sites Dive Into HTML5, HTML5 CSS3 pense bête ou encore l’article HTML5, CSS3, les principales nouveautés.

html4-5-8235347 Les balises sémantiques de HTML5

Les nouvelles versions de HTML et CSS ont ouvert de nombreuses possibilités d’affichage et d’animation, rendant ainsi obsolète des technologies propriétaires comme Flash. De ce point de vue là, Apple a remporté sa bataille. En revanche, si HTML5 apporte des solutions concrètes pour faciliter le travaille des développeurs de contenus multi-plateformes (How a new HTML element will make the Web faster), ou pour la gestion de contenus 3D ou d’interactions en temps réel (avec WebGL et Web-RTC), cela ne règle pas le problème des applications mobiles natives. De ce point de vue là, Apple est largement fautif, et je mets au défis quiconque de prouver le contraire.

Tout le monde milite pour les standards, surtout les leurs !

Je pense ne pas me tromper en disant que HTML5 est maintenant reconnu comme LE standard pour créer des contenus riches en ligne (HTML5 donne de la profondeur à la narration). Si les contenus sont standardisés, qu’en est-il des applications en ligne et des conversations ? Le problème est qu’avec l’avènement des smartphones et des usages communautaires / sociaux, le web est petit à petit en train de se morceler. Nous assistons ainsi à la prolifération de plateformes fermées (ex : Facebook, WhatsApp, Snapchat…) qui remettent en question l’universalité du web.

Pour lutter contre ce phénomène de balkanisation du web, le W3C milite pour une Open Web Platform où les technologies standardisées et ouvertes offriraient une alternative crédible aux technologies propriétaires. Le problème est que la standardisation est un processus très long, trop long pour le marché qui ne voit pas forcément le danger d’utiliser des technologies propriétaires de temps en temps (HTML5 is done, but two groups still wrestle over Web’s future).

Officiellement, tous les grands acteurs du web supportent à 100% les standards du web : Apple Shows Love for HTML5 with iOS 8, Google’s HTML5 Web Designer Gets Animation Tools, Deeper AdWords And DoubleClick Integrations, Play a Microsoft-made HTML5 version of Settlers of Catan in your browser right now, Mozilla Launches Built-In HTML5 App Development Environment For Firefox… Le souci est que chacun a sa propre interprétation de la limite entre avoir recours à des technologies propriétaires et adapter les standards aux impératifs de performance du marché. Les nombreuses solutions de développement mobile hybrides en sont un bon exemple (cf. Hybrid Mobile Apps: Providing A Native Experience With Web Technologies). Autre illustration flagrante de l’ambiguïté des grands acteurs du web, les dernières innovations proposées par Google : Google veut accélérer le développement des Chrome Apps et Comment les composants web ambitionnent de révolutionner les applications en ligne.

C’est pour éviter que ces solutions s’imposent comme des standards de fait que le W3C a lancé une série de grands chantiers d’amélioration des technologies standards pour créer des applications en ligne : Application Foundations for the Open Platform.

owp-application-foundations-6386363 Les grands chantiers du W3C pour les prochaines années

Vous aurez donc compris que la principale mission du W3C est de s’assurer que le web reste une plateforme ouverte et universelle, que des éditeurs privés utilisant des technologies propriétaires ne prennent pas trop d’importance (cf. Le Dark Social complique la tâche des annonceurs). Au final, le plus grand danger ne vient pas forcément d’éditeurs comme Google, mais de la négligence des utilisateurs qui se laissent enfermer dans des environnements fermés comme iTunes, WeChat ou Salesforce. L’avenir du web ne repose pas que sur le W3C, il en va de la responsabilité de chaque utilisateur de ne pas accepter aveuglément des CGU qui les verrouillent dans un écosystème propriétaire. Toute la difficulté est que la frontière entre « ouvert » et « priopriétaire » est poreuse, et que ces subtilités importent peu au grand public.

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