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Une seconde vie pour les contenus digitaux grâce à l’iPad ?

J’ai déjà eu de nombreuses occasions de m’exprimer au sujet de l’iPad et sur les contenus les mieux adaptés aux touchbooks (À la recherche de nouveaux formats hybrides pour les touchbooks et À quand des ebooks enrichis ?). En un peu plus de 6 mois, Apple a écoulé 16 millions d’iPad en 2010 et compte en vendre 30 M en 2011. Une authentique prouesse pour la firme de Cupertino dont l’avidité n’est un secret pour personne : avec l’iPad ils ambitionnent de révolutionner les contenus numériques tout comme ils l’ont fait avec la musique et les jeux pour l’iPhone et l’iPod. Ont-ils les moyens leurs ambitions ? Oui très certainement car ils disposent d’une bonne longueur d’avance sur la concurrence et parce que l’écosystème qui gravite autour d’iOS est suffisamment dynamique pour amorcer cette révolution.

Révolution ou évolution ? C’est en effet la question que l’on peut se poser au vue des premières « transpositions » de contenus numériques en applications tactiles. Le magazine Wired a ainsi été pionnier dans sa démarche de transformation de ses contenus : le magazine papier, qui existait auparavant en format numérique, a ainsi été remanié (pour en faciliter la lecture sur un écran tactile) et enrichi (avec des animations et des vidéos). Le résultat est plutôt réussi et fait maintenant référence :

Sur ce modèle, d’autres éditeurs ont décidés de sauter dans le train en marche en capitalisant sur les contenus existants. Adobe a ainsi eu la très bonne idée de compléter son offre avec la Digital Publishing Suite pour transformer une maquette « papier » en une application iPad (Adobe lance une offensive sur les magazines numériques et les jeux mobiles). Martha Stewart et Bonnier sont ainsi les premiers à expérimenter ce dispositif :

dn_ippad-5048207 Le plus grand quotidien suédois sur iPad

Dans ces exemples nous parlons bien de transformer un existant en une application tactile. Mais d’autres éditeurs vont plus loin en produisant un contenu exclusif comme Richard Bronson et son magazine Project :

News Corp devraient également proposer dans les prochains mois son propre iMagazine : First image of Rupert Murdoch’s iPad newspaper emerges. Espérons que les prochaines réalisations iront un peu plus loin que ce que propose déjà les autres : une expérience encore très proche du papier.

D’autres acteurs comme Graphic.ly ou Panelfly proposent une approche similaire avec des comics et BD retravaillées pour en rendre la lecture plus immersive :

panelfly-7863643 Des comics revisités sur votre iPad avec Panelfly

Cette conversion nécessite un peu plus de travail mais propose une expérience plus intense pour les lecteurs. Idéalement il faudrait associer les cases avec des bruitages, des voix et des animations, mais le coût de production serait alors beaucoup plus important.

Dernièrement nous avons également commencé à voir apparaitre des expérimentations encore plus intéressantes avec des films réalisés spécifiquement pour les touchbooks : The New Touching Stories App Brings Four Interactive Films to the iPad. Touching Stories est ainsi une application iPad avec 4 histoires à vivre, à mi-chemin entre courts-métrages et jeu vidéo. Le principe est de faire interagir l’utilisateur en lui proposant une histoire à embranchements ainsi que la possibilité d’agir directement sur l’histoire en exploitant des zones réactives ou même l’accéléromètre :

Dans cet exemple nous sommes donc en présence d’un produit hybride qui n’est pas sans rappeler des jeux narratifs comme Dragon’s Lair ou le plus récent Heavy Rain (dont le gameplay repose sur les quick time évents).

Dans un registre identique, le réalisateur israélien Nitzan Ben-Shaul a tourné en 2008 un long métrage à embranchements multiples. Son idée était de faire interagir les spectateurs directement dans la salle de cinéma avec un principe de décision collective (à main levée) : Turbulence, an Interactive Movie, Coming Soon to an iPad Near You. Dans la mesure où il disposait déjà de la matière première, convertir son film en application pour iPad n’a pas représenté une grosse difficulté. Le spectateur peut ainsi agir directement sur l’histoire en influant les actions ou les réactions des personnages :

Le résultat semble pleinement satisfaisant et inaugure peut-être une nouvelle génération de contenus numériques adaptés aux terminaux tactiles. Pas si sûr, car les coûts de production restent élevés et qu’il faut un circuit de distribution suffisamment large pour pouvoir les amortir. Quand Apple aura écoulé 200 millions d’iPads, le contexte de marché sera nettement plus favorable (d’autant plus si les films interactifs peuvent également être lus sur AppleTV). Mais pour le moment il va falloir faire avec la concurrence pour pouvoir atteindre la masse critique de clients potentiels. Ors, les terminaux concurrents en question sont propulsés par un système d’exploitation beaucoup moins fermé (Android) et permettent surtout de consommer des contenus Flash.

Flash ? Oui tout à fait, Flash pourrait être la solution pour sortir de l’enclave d’iTunes et permettre aux producteurs de diffuser (commercialiser) leurs contenus auprès du plus grand nombre. Nous pourrions ainsi tout à fait imaginer un player universel disponible sur un grand nombre de touchbook permettant de consommer ces contenus avec une gestion fine des DRM, une marketplace et même une communauté.

Vous pourriez me dire que cela ne sert à rien de remplacer un système verrouillé (iTunes / iPad) par un autre système verrouillé (DRM, player semi-propiétaire) mais je vous répondrais que les producteurs y trouveraient sûrement leur compte. L’objectif étant de monétiser des contenus de qualité auprès du plus grand nombre.

Bref, tout ça pour dire que le format touchbook évolue réellement dans le bon sens en s’éloignant des usages propres aux smartphones et en proposant des expériences nouvelles (mais à partir de contenus existants). Offriront-ils une seconde vie aux contenus numériques existants ? Oui certainement, en tout cas les producteurs auraient bien tort de se priver.

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